Cinquième mois de grossesse : nous nous rendons papa, maman, et moi, chez le Docteur Althuser pour effectuer une échographie de contrôle (la deuxième). Inutile de vous préciser que je suis encore dans le ventre de maman, mais même caché, j'existe !
La nouvelle tombe : le Docteur Althuser annonce à mes parents que j'ai une anomalie au niveau de la bouche, appelée fente labio-maxillo-faciale. Elle est unilatérale gauche, et complète. Je suis bien content que mon échographe soit un vrai spécialiste et s'en soit aperçu, comme ça mes parents ont le temps de se préparer avant ma naissance.
Maman et papa ont été vite et très bien entourés par leurs familles et amis, car même s'ils ont rapidement accepté ma malformation, ça leur a fait un coup au moral. De mon côté tout va très bien, cette fente ne me gêne pas du tout, et je continue de me développer normalement.
Je vais naître dans quatre mois, mais d'ici là mes parents doivent se préparer à mon arrivée. Ils ont pris quelques rendez-vous essentiels :
*
Docteur Althuser : échographie supplémentaire de contrôle.
* CHU de Grenoble : avec l'équipe du professeur Raphaël, qui leur explique ce qu'est ma fente, et comment elle se répare.
* Pédiatre : discussion avec le pédiatre de la maternité.
Et voilà, mes parents attendent maintenant ma naissance avec impatience, ils sont bien informés, rassurés, et prêts à m'accueillir. Mais au fait, je ne vous ai toujours pas expliqué ce qu'est une fente labio-maxillo-palatine ?
Partie II : qu'est-ce qu'une fente labio-palatine ?
Ne dites pas "bec de lièvre"... C'est une fente. Cette expression a été abusivement utilisée par analogie avec l'animal dont la lèvre est fendue en son milieu, mais si vous observez bien : la lèvre du nourrisson est fendue d'un côté ou de l'autre, ou encore des deux, mais pas au milieu comme chez le lièvre.
"Ce n'est pas un "bec de lièvre"...
c'est une FENTE.
On entend par fente la séparation, normale mais temporaire, des bourgeons qui entourent la bouche primitive de l'embryon.
Ces bourgeons sont séparés par des sillons qui se ferment normalement entre la 5ème et la 8ème semaine après la conception. La fusion de ces différents bourgeons permet la formation normale de la lèvre supérieure, de la gencive, du palais, et du voile.
Avant la soudure de ces bourgeons, la fente existe donc chez l'embryon, faisant communiquer la bouche et les fosses nasales. Si cette fusion ne se fait pas, une fente persistera soit au niveau de la lèvre, soit au niveau du palais, soit au niveau de ces deux structures.
La fente résulte d'un défaut au cours
de la formation de la bouche
1. Les fentes complètes unilatérales
Elles intéressent la lèvre supérieure, la gencive, le palais osseux, et le voile.
Les fentes complètes unilatérales, comme la mienne, s'étendent de la lèvre jusqu'à la luette. Les fragments osseux sont écartés, les muscles sont rétractés sur les côtés, le nez est le plus souvent écartelé entre les deux bords de la fente.
2. Causes de ma fente
Chers parents, ne vous sentez pas coupables, il s'agit d'un accident dont les causes sont peu connues et souvent liées au hasard de la vie. On peut tout de même cités quelques facteurs :
* Certaines maladies virales en début de grossesse : rubéole, grippe, rougeole.
* Diabète maternel, épilepsie maternelle.
* Prise de certains médicaments (antiépileptiques)
* Âge avancé du père ou de la mère.
Mais dans un grand nombre de cas, aucune explication n'est retrouvée.Il existe cependant parfois un caractère héréditaire de la fente, c'est-à-dire au sein d'une même famille. Dans ce cas, une consultation auprès d'un généticien permet d'évaluer la probabilité pour les enfants à venir de porter une fente.Vous avez des antécédents familiaux ? Consultez un généticien.
3. Conséquences de ma fente
Sur le plan morphologique :
* mon nez est étiré du côté de la fente.
* ma lèvre supérieure est fendue, tout comme ma gencive supérieure, mon palais osseux, et mon voile.
Sur le plan fonctionnel, ma fente entraîne des perturbations au niveau :
* alimentaire : bien maîtrisées grâce à une plaque palatine dès mes premiers jours.
* de la phonation dûes à la division du voile : d'où sa réparation indispensable avant l'acquisition du langage.
* de l'audition : otites fréquentes, il est parfois nécessaire de poser des drains transtympaniques, appelés "diabolos".
Enfin, il est important que vous compreniez que cette fente ne me fait absolument pas mal, je la porte depuis ma conception ! Le plus dur sera probablement mes séjours à l'hôpital (3 au total), mais le jeu en vaut la chandelle, et mes parents sont là pour me soutenir et m'apponter tout leur amour.
Partie IV : soins et réparation de la fente
La prise en charge thérapeutique ne peut se résumer à un simple acte chirurgicale, même très performant, mais doit correspondre à une "alliance thérapeutique" entre le chirurgien, l'anesthésiste, l'orthodontiste, l'orthophoniste, le prothésiste, l'oto-rhino-laryngologiste, le pédiatre, le généticien et le psychologue.
La réparation de ma fente a pour double objectif :
* me redonner une apparence classique, sans oublier les éventuelles cicatrices et inégalités de résultats.
* rétablir les fonctions d'alimentation, de respiration, de langage et d'audition afin que je puisse rapidement mener une vie parfaitement normale.
Calendrier thérapeutique des fentes totales unilatérales (à Grenoble) :
* 1ère semaine : plaque palatine.
* 2ème mois : adhésion labiale (si fente large).
* 4ème mois : Réparation nez, lèvre et palais osseux (greffe periostée).
* 8ème mois : Réparation du voile.
2. Avant la première intervention
Dès mon deuxième jour, papa et une infirmière m'emmènent au CHU de Grenoble pour me faire faire une plaque en résine. Cette plaque palatine a pour double rôle :
* d'obturer la communication entre ma bouche et mon nez et ainsi réduire les régurgitations par voie nasale lors de la prise du biberon. Elle facilite les fonctions de succion et de déglutition essentielles pour mon alimentation.
* d'empêcher l'interposition de ma langue dans ma fente évitant ainsi d'aggraver la déformation de mon maxillaire.
La confection de la plaque ne nécessite ni anesthésie, ni hospitalisation. Elle est réalisée par le prothésiste : une prise d'empreinte, effectuée à jeun (4 heures après mon dernier biberon) sous la responsabilité d'un médecin, permet de réaliser un moulage de mon palais. Je peux manger dès que la prise d'empreinte est terminée. La plaque est immédiatement confectionnée par le laboratoire de prothèse du service à partir du moulage, et mise en place le jour même.
La tolérance de l'appareil est quasi-immédiate, je m'y habitue très rapidement et suce avec plaisir. Les simples mouvements de succion permettent l'adhérence parfaite de la plaque sur mon palais. Elle m'apporte un bien-être évident et permet de satisfaire mon besoin fondamental de succion.
Je porte ma plaque jour et nuit, et ce jusqu'à ma troisième opération. A un mois, je fais une visite de contrôle au CHU de Grenoble, et ma plaque est légèrement remodelée pour améliorer son efficacité.
La participation de mes parents à ce traitement est indispensable ! Ils doivent assurer mon hygiène buccale en lavant deux fois par jour, à l'eau, ma bouche et ma plaque palatine. Il est aussi conseiller de me nettoyer rapidement à l'eau après chaque biberon (sans enlever la plaque). Mes fausses nasales sont lavées par des instillations de sérum physiologique.
3. Première intervention : l'adhésion labiale.
Je rentre à l'hôpital le lundi 4 mars, et l'équipe médicale me fait quelques examens de contrôle. Le lendemain matin, alors que je suis à jeun, je subi sous anesthésie générale ma première intervention chirurgicale : adhésion labiale. L'opération dure cinq heures au total, mais l'acte en lui même est plus bref (1 à 2 heures). Ma plaque palatine est encore modifiée puisque la tige métallique qui me redressait le nez a disparu. Par contre, un petit appareil la remplace : un conformateur nasal.
Dans le service, la présence de maman ou de papa est non seulement autorisée, mais vivement souhaitée pour mon bien-être. Mes parents pourront ainsi participer à mes soins et à mes repas.
Les soins quotidiens postopératoires immédiats sont simples à réaliser :
* nettoyage de la cicatrice de ma lèvre au savon antiseptique (savon de Marseille) suivi d'un rinçage et séchage soigneux avec application d'une pommade.
* nettoyage de mes fausses nasales par des instillations de sérum physiologique au moins deux fois par jour.
* lavage de ma bouche à l'aide d'une petite seringue de sérum physiologique après chaque repas.
Mon séjour à la clinique dure une petite semaine. Pendant une quinzaine de jours après l'intervention, de petits manchons me bloquent les bras pour éviter que je touche ma bouche. Mon alimentation se fait elle à la petite cuillère, mais le biberon devra impérativement être repris rapidement.
Enfin, je dois porter mon conformateur nasal en permanence pendant au moins quatre mois, puis seulement la nuit jusqu'à ma troisième opération pour un résultat optimum.
4. La seconde opération
La seconde intervention, est la plus importante : le professeur Raphaël et toute son équipe ont la mission de me réparer mon nez, refermer entièrement ma lèvre, et combler ma fente au niveau du palais osseux à l'aide d'une greffe périostée (au niveau du tibia). Mon séjour dure environ neuf jours, du 7 au 16 mai.
L'opération est plus longue que la première, mais se passe tout aussi bien. J'ai une grande cicatrice au tibia, mais discrète, et des points de souture sur ma lèvre. Je dois porter une nouvelle plaque palatine pour protéger la greffe.
Mes parents sont ravis du résultat !! Et au fil des semaines qui suivent, le muscle de ma lèvre s'active, et celle-ci prend une forme tout à fait normale.
Mes deux cicatrices (lèvre et tibia) disparaissent petit à petit.
5. La troisième opération
La troisième opération consiste en la réparation du voile, ce qui est indispensable pour que je puisse parler de façon tout à fait normale. Cette intervention est prévue fin septembre.
6. Le suivi
Et voilà, j'ai maintenant neuf mois, et ma fente labio-palatine n'apparaît plus : elle appartient à mon passé ! Bien entendu, je continue de faire quelques visites de contrôle à l'hôpital, mais le plus dur est fait.
Le suivi médical jusqu'à la fin de ma croissance est très important : j'ai quelques problèmes dentaire, qui sont être pris en charge par un orthodontiste dès que mes dents de lait sont toutes sorties, et je suis aussi suivi par un O.R.L., un orthophoniste, et par l'ensemble de l'équipe du professeur Raphaël.
Conclusion
Je remercie le Professeur Raphaël, le docteur Béatrice Morand, la prothésiste Françoise Bruchon, et l'ensemble de l'équipe du service de chirurgie maxillo-faciale du CHU de Grenoble qui m'ont accueillis avec beaucoup de patience et d'attention. De plus, je les remercie aussi pour la réalisation de ce petit guide, puisque je me suis largement inspiré de celui qu'ils ont fait (sur support papier).
J'espère que vous êtes satisfait des informations présentes sur ces quelques pages, mais n'hésitez pas à m'écrire pour toute question supplémentaire.
CECI ET UNE HISTOIRE VRAI VOILAS .
JE CEST SES PAS JOLIE A VOIR